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Y at-il un médecin à bord ?


Un aperçu rapide de la situation médicale dans les camps de réfugiés en Grèce, septembre 2016

Point de vue d ‘un médecin généraliste.

Tout d'abord, nous savons tous que la situation générale en Grèce n’est pas brillante: 8 ans de récession, le chômage à un niveau jamais atteint nulle part depuis la Grande Dépression, a laissé un état Grec qui assure avec grande difficulté les besoins de sa propre population, vieillissante, déprimée, et avec un nombre considérable de démunis.

Aussi les soins médicaux des millions de réfugiés ( et plus ) qui ont transité par le pays au cours des 12 derniers mois a été laissé dans une large mesure entre les mains des ONG internationales, et les bénévoles individuels. Pourtant, comme que je vais essayer d'expliquer, des coûts importants à la fois financiers et humains reposent sur ce qui reste du système de santé.

Je vais faire un compte rendu de ce dont j’ai été directement témoin, là où j’ai été impliqué. Je parlerai de l’organisation des soins dans les divers camps ou nous nous sommes rendus.

Ensuite je vais décrire certaines des consultations ou des histoires rencontrées :

Les prénoms bien entendu sont modifiés ou non mentionnés, pour des raisons évidentes de confidentialité, et aussi pour d'autres raisons juridiques que vous comprendrez. Les cas sont choisis un peu partout.

Les lieux de séjour et d’hébergement.

1

La Maison Orange, à Athènes.

Située dans la partie de la ville qui entoure l'École polytechnique, d’où est parti le soulèvement qui a renversé la dictature sanglante (les «colonels») à la fin des années 70 , c’est resté un quartier animé et couvert de graffitis et de peintures de rue; avec beaucoup d'anarchistes autour, très sujets aux manifestations , mais c'est aussi et surtout un quartier très tolérant, généreux et sûr pour les minorités de toutes sortes.

En effet, cette maison a été créé pour abriter les plus fragiles, menacés , parmi la population de réfugiés : les jeunes enfants seuls, les femmes avec de très jeunes enfants... Ils disposent de 16 lits, dans 5 chambres, et 20 lits quand Antoine ( un volontaire français, c’est son vrai nom. ) aura fini de restaurer deux dernières chambres.( tout est « aux normes » ) C’ est aussi un lieu de jour, où de nombreux enfants et adultes viennent ( uniquement la journée) pour suivre des cours , anglais, français, allemands, pratiquement 7 jours sur 7.

D'autres, des adolescents (garçons), les familles ou les hommes plus âgés viennent dans la journée, uniquement , pour se socialiser, en présence de nombreux volontaires bénévoles.

Sur le plan médical; ils comptent habituellement sur l’excellent dispensaire de Médecins sans Frontières, mais qui jusqu'à cette dernière semaine était un peu éloigné, et la pharmacie qui y est attachée.

2

Agios Andreas

45 minutes au nord d'Athènes, à 200 mètres d'une plage fréquentée par les Athéniens, dans le camp de l’armée de terre, qui était auparavant pour la moitié de sa surface un camp de vacances d’été, pour les familles des soldats.

Dans son texte, Jacky a expliqué beaucoup de choses sur ce camp: 100% géré par l'armée jusqu'à il y a quelques semaines, il abrite environ 120 familles, et est apparemment prévu pour en accueillir plus de 1000 dans quelques semaines.

Ce camp est un désastre.

Aucunes des installations décentes dans le camp, pas de place, pas de thé, pas de centre de distribution pour les vêtements ou autre, seulement le strict minimum , la nourriture de l'armée, 3 fois par jours. (point à la ligne).

Absolument en dessous des normes ( déjà très faible) fixées par l'UE ou du HCR pour que le pays ait droit à l’allocation versée par l’union Européenne pour les réfugiés présents sur son territoire.

( je crois que c’est 6000 euros par an, mais on voit circuler des informations différentes, à verifier auprès des institutions Européennes)

Avec la venue de l’hiver, les autorités en charge ont soudainement eu peur de voir passer CNN ou de la BBC avec des caméras, et des images pour montrer des gens dans la boue et le froid. Donc le gestionnaire (armée) du camp a appelé à l’aide (au secours) une ONG française, dirigée par un ancien officier de l'armée , très militaire, très efficace Fred Morlet.( vrai nom) Fred est respecté pour avoir organisé et mené à un très bon niveau l'un des camps sur Lesvos, le camp Kara Tepe, qui n’est pas celui qui a été dévasté par un incendie le 16 septembre dernier.Il est toujours en charge de ce camp.

Il n'y a pas de centre médical, et aucuns moyens pour les réfugiés pour consulter un médecin, parce que dans tous les autres camps, il y a des bénévoles qui peuvent au moins transporter ceux qui cherchent un médecin à un DWB / MSF ( Médecins sans Frontière) DOW / MDM (Médecins du Monde), qui ont des centres en Grèce. Mais dans ce camp, jusque début Septembre, il n’y avait aucuns volontaires, parce que le camp était fermé , exclusivement géré par l’armée.

Pour les besoins médicaux, c’est au bon vouloir de l’armée.

Nous avons été les premiers volontaires dans le camp avec Fred lui-même et sa femme, et un autre volontaire de Lesvos, sauf pour un groupe de femmes du village local qui viennent enseigner du Grec aux enfants.

Le défi, dans ce camp est d’abord structurel : les habitants ont besoin d'un endroit médical permanent, ce qui signifie AU MOINS une tente, pour savoir où chercher de l’aide.

Si le gestionnaire de camp obtient les autorisations, il espère recevoir une tente médicale (ou, mieux, bien sûr, un abri médical en préfabriqué alu, Isobox ou Algeco,) et il organisera une équipe de bénévoles, et une rotation de médecins.

Par ailleurs, tout est à faire sur le plan de la préparation pour la mauvaise saison, et l’armée ne donne même pas l’autorisation de mettre des palettes par terre pour surélever les tentes à quelques centimètres au dessus de la boue…

La difficulté, et il me semble important de le mentionner, est que l’ obstacle , dans ce camp, c’est l’administration. Pour avoir le droit de déposer par terre quoi que ce soit de façon semi-permanente (sauf bien sûr l’épaisse couche de déchets de toute nature, n’inquiète pas l’ armée Grecque le moins du monde) pour poser une tente ou un abri partout, vous avez besoin d'une autorisation écrite du ministère de la Défense, le ministère de l'intérieur, et le ministère du Tourisme, et probablement le ministère en charge des réfugiés et, que Dieu les aide.

Pour me faire bien comprendre, je crois que le gestionnaire du camp s’est redu compte devant la nullité de la situation , qu’un reportage sur ce camp ( on a beau essayer de tout cacher, les journalistes sont des sournois) un reportage sur ce camp serait désastreux pour son avancement. Il a donc ouvert un paravent, en confiant la mission à quelqu’un, si il n’y arrive pas, il prendra un blâme . Fred, et sa toute petite équipe est parfaitement conscient : il a pris le risque, Il relève l'immense défi, poursuivant les ministres dans les couloirs.

Oinophyta

Voici un autre camp au nord d'Athènes, situé sur un terrain d’aviation désaffecté de la Force aérienne.médicaments dans le pays lui-même est logique, mais en pratique les conditions sont to

Jacky était ici au printemps, et avait gardé contact avec certains résidents, qui nous ont accueillis comme une famille.

Il y a une très bonne équipe médicale bénévole là-bas, la plupart d'entre eux des Etats-Unis, dirigée par un très charismatique John (organisateur) (oui, sur la photo), et sa femme qui est médecin. Il y avait aussi un autre GP, et une sage-femme 7 jours sur 7 dans le camp. Une organisation très intéressante, dans une combinaison fantastique de professionnalisme, d'engagement, de compassion et d’enthousiasme. Je dirai que c’est l'Amérique comme on la rêve encore parfois

J’ai travaillé un peu avec la jeune généraliste de Los Angeles sur un orteil très infecté, à inventer des stratégies non conventionnelles pour éviter l’amputation. La médecine c’est de faire tout ce que l’on peut avec les moyens disponibles. Cette équipe, bien que,soutenue par la solidarité des Adventistes du 7 jours, est totalement volontaire et autofinancée, et ils étaient très à court de certains médicaments et d’ équipement de base.

Nous les avons donc réapprovisionnés à partir de ce que nous avions dans la voiture apporté de France, initialement prévue pour aller à la pharmacie sociale dans Katerina. (Voir le blog de Jacky

Et ensuite, en plus nous avons relu avec eux la liste d'urgence, et nous sommes allés acheter à la pharmacie locale tout ce que nous pouvions faire rentrer dans notre budget.

Je rapporte ici une très intéressante conversation avec le directeur de l'équipe, John. Il m’ a expliqué les problèmes juridiques de leurs présences et de leurs actions en Grèce. Je ne crois pas vraiment que ce serait plus facile en France, ou au Royaume-Uni, pour cette question, mais ces deux derniers pays n’ont pas besoin sur leur territoire d’une grande présence d'ONG médicales.

Les Docteurs en Médecine, et autres travailleurs du monde médical ne sont autorisés à travailler en Grèce qu’après leurs diplômes médicaux qui ont été transmis et approuvés par les autorités sanitaires. Jusqu'ici , c’est normal.

Ensuite une autorisation n’ est accordée que pour une période qui doit être fixée à l'avance, pour un emplacement spécifique (un camp, en d'autres termes), et uniquement avec une ONG reconnue, qui doit avoir été formellement désignée pour cette tâche.

Il y d'autres conditions encore : utiliser uniquement des médicament et de l'équipement achetés en Grèce, et de signer un papier qui garantit que vous ne prenez pas le travail d'un médecin Grec.

Dans le principe, c’est à peu près acceptable, et, par exemple, en effet, l'achat des médicaments dans le pays lui-même est logique, mais en pratique les conditions sont totalement impossibles à satisfaire, entre autre bien parce que l'administration Grecque ne répond absolument jamais à aucunes lettres, demandes, ou quoi que se soit. Une bureaucratie totalement bloquée, paralysée,. En pratique, seulement deux ONG sont assez grandes et puissantes par leur structure administrative pour faire face aux aspects juridiques de la médecine humanitaire: Médecins du Monde et Médecins sans frontières, (cette dernière organisation est devenue le plus gros acteur mondial de la santé, , devant l’OMS , branche des nations unies.

Donc, à Oinophyta, comme dans la plupart des camps, personne n’est enregistrée !

Ici ils ont une présence depuis près d'un an, 7 jours sur 7 ; médecine chirurgie accouchements ( la vraie tradition médicale! )

Et croyez moi, pour un médecin américain travailler sans aucune sorte d’assurance est particulièrement inhabituel. Une preuve de plus de leurs déterminations.

Ritsona

Avec plus de 1000 habitants,presque tous de Syrie, c'est un camp très dense, sur un espace fort restreint. Ici aussi Jacky a été impliquée pour quelques semaines, ce printemps et elle était assez heureuse de voir que des progrès ont vraiment été fait sur le plan des assainissements. (Voir plus loin, ce camp est touché par une épidémie de Hépatite A )

Les parties communes sont tout à fait appropriées: un grand entrepôt - centre de distribution, très bien rangé et organisé. Entièrement organisé par des bénévoles. Une école, un atelier en bois - électricité-plomberie, installé dans un container , très fonctionnel. Ecole , cours de récréation . Comme Oinophyta, ce camp est situé sur une ancienne base aérienne, et est complètement ouvert, comme un village, le personnel de l'armée de l'air en charge est nettement plus relax et moins crispée que dans les camps sous la responsabilité de l ‘armée de terre.

Une longue rangée de Isoboxes (abri aluminium polyvalent, comme ALEGECO,) pour les douches et toilettes, très propre en général, et le camp lui-même est patrouillé par des équipes de nettoyage organisées par les réfugiés. Cela est essentiel, car il est très dense, les tentes sont très proches les unes des autres. Beaucoup d’enfants mais aussi de vieillards, de blessés. Comme dans les autres camps d’ailleurs. Le camp n’est absolument pas près pour l’hiver. Les tentes n’ont aucunes isolations et pas de sol. Tous les effets personnels sont à même la terre. Et bien entendu aucun chauffage.Pas d’éclairage, et bientôt les nuit seront longues.

J'ai aucunes idées des plans des autorités à cet égard. On pourrait dire que le camp est plutôt heureux parce qu'il bénéficie d’un nombre considérable de bénévoles, mais l'infrastructure laisse encore beaucoup à désirer. Je dois dire que les bulldozers venaient juste de commencer le nivellement d’un petit terrain voisin: des Isoboxes, sont prévus, mais 2000 personnes à déplacer avant que les pluies d'automne ne s’installent, ce serait un défi de taille même dans un pays bien géré. Voyons les choses de cette façon : les autorités vont avoir besoin de l’aide de beaucoup de volontaires , avec qui, heureusement, des liens de confiance existent dèja.

Sur ce point, cela est le contraire de Saint Andreas, (Ayos Andreas), où les volontaires sont désespérément nécessaires , et les ONG n’ont été appelées que pour ensuite entourer d’un rempart bureaucratique

Le soutien médical de base du camp est assuré par la croix rouge de Grèce. Je n’ai pas eu de contact direct avec eux, et je ne sais pas ce qu'ils peuvent offrir. Quoi qu'il en soit, ils ont beaucoup de travail et de responsabilités, puisque Ristona est en proie à l'hépatite A », (« jaunisse ») , qui est transmis par contact oral avec des éléments contaminés , couverts, assiettes , verres, etc.. J'avais été averti à ce sujet par les autorités médicales françaises avant mon départ, et ceci est la raison principale pour laquelle je me suis laissé infliger avant mon départ toutes sortes de vaccinations, par mes collègues les plus compétents. Je me tiens habituellement prudemment de l'autre côté de l'aiguille.

Nea Kavala

Situé dans le nord de la province Grecque de Macédoine, à la frontière de ce que les grecs nomment Fyrom. Ce camp est lui aussi sur un terrain militaire qui abrite plus de 2000 personnes. Jacky y a des amis, des bénévoles Kayra et Mana, avec qui elle a travaillé sur l’ile de Leros en novembre 2015, puis sur Lesvos, en février 2016 et comme elle le mentionne sur son blog, nous avons visité les familles dont ils s’occupent et qu'ils ont déménagé dans le village, dans des appartements loués.

Nous n’avons pas vraiment pu visiter le camp, et nous sommes seulement rentrés par une ouverture non intentionnelle dans la clôture et les barbelés. J’ai vu la croix rouge Allemande, sur place, et nous avons vu en ville une douzaine de membres de Save The Children, (qui prenaient le petit déjeuner) très reconnaissables à leurs badges etc. Il y a sûrement beaucoup de travail à faire! Je ne peux pas en dire plus. Mais il faut absolument lire l’histoire de cette femme épuisée au sujet des enfants en danger, au bout du rouleau, et qui en a amené 10 avec elle. Je crois que Jacky l’a mise en ligne il y a quelques jours déjà.

Katsikas

Est également dans le nord de la Grèce, mais cette fois beaucoup plus proche de la frontière avec l'Albanie. Nous n’avions aucun contact là-bas, et avons choisit de marcher tout droit dans le camp, en passant devant le petit groupe de militaires et de policiers qui se tiennent à l’entrée, en veillant à ressembler à des gens sur de leur propre entreprise, l'air très professionnel. Et voir ce qui se passe.

Ce camps se révèle être très ouvert, la vie là-bas (la survie, je veux dire) est assurée par un assez grand nombre de bénévoles de toutes sortes venus de partout en Europe et d’Amérique du nord.

Nous en avons rencontré plusieurs , du Canada, Belgique, Espagne, Grande Bretagne, etc..

Médicalement parlant, il y a une installation en dur de Médecins du Monde, avec 3 Isoboxes, implantés dans une disposition en forme de U avec une présence régulière d'infirmières et de médecins, de médicaments et de soins.

L'espace entre ces 3 container est recouvert haute toile de tente, formant une salle d’attente abritée, bondée avec des mamans et des enfants de tous âges quand nous sommes passé.

La Pharmacie Sociale à Katerini

Avant de nous y rendre, j’étais fort perplexe. Nous avions eu de nombreux contacts avec eux, Jacky s’était déjà occupée dans les mois passés de leur envoyer du matériel, au nom de l’association, Il nous avaient transmis une liste de besoins en médicaments et matériel qui me paraissait infiniment longue. Je n’avais pas compris la taille réelle et importante de cette structure.

Entièrement créé et gérée par des bénévoles, c’est une structure impeccablement organisée, avec des locaux remarquables ou ils hébergent un consultant de MDM, mais leur impact va très loin au delà, ils assurent la mise à disposions de médicaments et matériel medical pour des centaines de patients, un peu sur le modele des banques alimentaires (ce qu’ils sont aussi).

Leur stockage des médicaments avec des milliers de références différentes, un modèle de précision, et d’imagination , facile d'accès, facile à ravitailler, avec l'aide d'un seul PC c’est tout à fait étonnant.

Sur leur liste des médicaments les plus nécessaires j’avais rassemblé tout ce qui était disponible dans une pharmacie d'Athènes, et acceptable pour notre budget. J’aurai voulu faire plus sur place : voila un endroit ou absolument pas un centime n’est perdu.Et je pense avec gratitude à tous les généreux donateurs qui ont contribué à cet apport à la ‘Pharmacie Sociale’

Et maintenant , les patients.

Qui ai-je vu?

D’abord : des mamans ! Elles amènent leurs enfants avec toute la gamme habituelle de pathologies non mortelles , mais qui sont encore plus difficiles à supporter dans un camp que dans une vie confortable.

Des problèmes de températures, maux de gorge, otites, la toux de toutes sortes. Toutes les angines que j'ai examiné, j’ai testé pour streptß, et tous ces tests sont révélés être positifs ! ( Ce qui soulève des questions d’épidémiologie que je ne développerai pas ici) nécessitant des antibiotiques, que nous avons fourni.

La procédure habituelle dans les centres de consultation de MSF ou autres et pour les pharmacies qui les accompagnent , c’est que les patients doivent retourner tous les jours pour obtenir leurs doses quotidiennes de médicaments. Cela permet d'éviter le marché noir, la plupart du temps.

C’est un système qui a quelques effets secondaires : beaucoup de temps dans les transports, et ceci peut devenir un cauchemar d'organisation pour les mères seules avec des enfants très jeunes, (Athènes est une ville énorme) et de ceci diminue considérablement le respect du traitement. Dès que cela va mieux , et parce que on est rassuré, les traitements sont arrêtés trop tôt avec des conséquences dévastatrices en terme de résistance bactérienne.

Comme je devais prendre mes propres décisions, sous ma propre responsabilité, et que nous étions dans des circonstances de vraie confiance, avec des patients qui m’étaient présentés par des volontaires qui les aident dans leur vie quotidienne , j’ai décidé de délivrer le traitement par période de 3 jours, avec une explication appropriée, et une explication écrite en anglais + traduction Syrienne.

Deuxièmement, j'ai vu des cas extrêmement graves.

Un jeune homme, 22 ans, d'Alep très récemment arrivé en Grèce m’a été présenté. Ses yeux étaient rouges, et il respirait avec difficulté. Il m'a dit qu'il était mécanicien. Pas d’ antécédents d'allergies, ni de rhume des foins, pas d'asthme ou de problèmes pulmonaires.

Son état actuel a commencé lorsque le quartier où il se trouvait à Alep a été fortement bombardé, et il a été pris dans un nuage de poussières, comme il l’appelle,( « the Dust » ) et il a ressenti la respiration brulante, et les yeux brulants.

Il a été sauvé et évacué par les volontaires civils les fameux et courageux Casques Blancs, toujours actifs à Alep, ces mêmes personnes courageuses, les Casques blancs, dont les avions de combats russes ont si sévèrement bombardés 4 centres le 24 Septembre (si je ne me trompe pas), tuant au moins 90 d’entre eux, la dernière organisation non partisane qui était encore active, parmi les 475.000 habitants de la ville assiégée.

Pour faire court, il a été évacué avec les autres vers la Turquie, où on lui a dit que ses poumons avaient été brûlés,( j’emploie ses termes ) et il a reçu de la cortisone, oralement et en inhalation , et de la Ventoline.

Il avait entendu parler des gaz de combat, ,bien sûr, mais il ne sait rien à ce sujet.

( Et moi ! j’en sais En dépit d'une formation très ancienne sur les conséquences médicales de la guerre Nucléaire Bactériologie et Chimique, ( Et oui ! j’ai un diplôme ! obtenu il y a 40 ans et +, et à l'époque, la perspective d'avoir à traiter les conséquences de la guerre chimique était si éloignée, le retour de cette barbarie paraissait si impossible que la partie Chimique de ce programme était traitée presque comme une matière historique - je dirais meme archéologique) ( entre parenthèse, c’était 6 ans avant Tchernobyl , qui aurait du nous ébranler quelques certitudes)

Retour à l'histoire de «Ahmed», après quelques mois en Turquie, il a trouvé un passage pour la Grèce.

Quand je l'ai vu, ses yeux brûlaient encore , et ses poumons étaient certainement encore spastiques, et sifflants. Il avait déjà vu un médecin une fois depuis qu'il est arrivé à Athènes, mais sans traducteur ce jour-là, on lui a été donné de la Ventoline, mais il ne sait pas ce que le médecin consulté à pensé de la situation.

Et je ne sais pas quoi penser non plus !!!! Des gaz de combat ? mais il existe aussi un syndrome que nous ne connaissons bien que depuis les conséquences des attentats du 11 septembre, et qui se développe après exposition intense aux poussières complexes générées par les effondrements de bâtiments.

Quoi qu'il en soit, je lui ai renouvelé et délivré des médicaments à inhaler, et lui ai conseillé, avec une lettre de recommandation, de voir un médecin enregistré à MSF, et demandant à ce il soit examiné dans un hôpital général, pour une exploration approfondie.

Une difficulté supplémentaire ici est l'absence totale de suivi pour ces personnes.

Le patient n’a en sa possession aucun document sur son histoire antérieure.

Une autre remarque, ce serait absolument étonnant (statistiquement) qu’en seulement quelques heures de pratiques médicales parmi les réfugiés, je rencontre une victime civile de la guerre chimique. En fait , la poussière ou le gaz ? je ne saurai probablement jamais.

et ensuite ,une histoire encore plus pénible

Une jeune femme, a été présentée à moi, originaire du nord est de la Syrie. Elle porte un prénom très chrétien.

Et chacun de ses sourcils portaient les cicatrices de brûlures profondes, probablement faites par une cigarette. Elle couvrait ces cicatrices avec une grosse couche de maquillage. Mais ce n’est pas de cela dont elle était venue parler. Son anglais était assez bon, et le traducteur qu’elle avait choisi était bien sûr là aussi. Elle a été plusieurs mois en captivité d'ISIS, et d’ailleurs ne souhaitait pas s’étendre sur les conditions et les sévices. Je n’ai posé aucunes questions. Elle m'a montré un tatouage, qu’elle a fait faire sur son cou, qui dit , en anglais, '' Cette douleur sera toujours avec moi ''.

Elle voulait seulement des crèmes topiques, pour des infections féminines locales. Cela c’était facile à fournir, mais il était clair qu’elle savait aussi bien que moi, elle avait besoin de conseils, de soutien moral, de parole.

Néanmoins, l'histoire passée du 20e siècle (les survivants de la Shoa, ) montre que les victimes peuvent récupérer de souffrances insondables par l'interaction sociale: la seule condition pour eux d'ouvrir cette possibilité est qu'ils soient considérés comme des personnes normales, digne d’intérêt pour eux même, au delà de fascination morbide suscitée par leur souffrances.

Parce que c’est la vie elle même qui est le Grand Guérisseur.

Et, maintenant avant dernier récit, un garçon que je n’ai pas pu voir, malgré les demandes répétées de sa mère désespérée.

Une femme, d'Alep, que j'ai rencontré dans un camp, m'a demandé de voir une de ses amie, à Athènes, et son fils, paralysé.

Je ne savais plus. J’ai pris contact via traducteur et Whastapp, et proposé de rencontrer cette personne lors de mon retour à Athènes, une semaine plus tard.

Dans le même temps, cette maman m’a fait envoyer un e-mail avec des rapports médicaux, et des radios concernant son fils. Ces radios sont très alarmantes : on y voit des fractures vertébrales et le garçons a un grand shrapnel (un éclat métallique) logé dans l'une des vertèbres du cou. (C7).

J’ai demandé à cette personne (via des traducteurs et des tiers ...) si elle pouvait venir à l’endroit où j’aurais une consultation. Cela semblait possible, mais ce jour-là, elle n’a pas pu trouver d’aide pour son fils de 12 ans.

Je n'ai pas réussi à trouver précisément le lieu où elle était, alors je ne l’ai pas rencontrée

Mais par contre , j'ai rencontré un médecin Grec qui m’a traduit les rapports de ce garçon, qui est en effet tétraplégiques (paralysé, totalement)

Ce garçon a été blessé en juillet 2015 (oui 2015,) à Alep, a été transporté porté par ses parents en Turquie , puis de là en Grèce (imaginez le voyage) !!!

Et ce garçon a été hospitalisé depuis septembre 2015 jusque début septembre 2016 (12 mois) dans un service de chirurgie neuro à Athènes.

Le 2 septembre de cette année, il l’ont remis à sa mère, plus rien d’autre ne pouvant être fait pour lui dans cet hôpital général d’Athènes, où il a quand meme passé UN AN;

C'est ici que nous nous rendons compte du coût qui reste à charge pour le système de santé de la Grèce, qui est pourtant déjà à bout de souffle.

Dernière histoire: je me permet de l'appeler Zeus, parce que vraiment, il ressemble à un dieu Grec!

Et malgré ce qu’on y rencontre, une histoire beaucoup plus légère.

Un homme jeune de 25 ans, belle carrure, grand, athlétique.

Jacky l'a rencontré dans un camp en février, et elle m'a décrit quelqu'un de 100% joyeux, et optimiste, toujours désireux de rendre service, impliqué dans les services d’aide du camp.

Absolument vrai. Il vit maintenant dans un appartement, dont les frais sont pris en charge par un groupe de support espagnol .

Il est très optimiste au sujet de son asile. Il présente bien, intelligent, cultivé. Nous avons bu quelques bières ensemble. (En fait non, moi du vin , mais lui et Jacky c’était de la bière). Et nous avons partagé un repas joyeux.

Les blessures sur ses chevilles, sur les deux jambes sont encore très visibles, pour avoir été si longtemps dans les prisons d'Assad, après la première manifestation d'étudiants, il y a quelques années, avant que la guerre ne devienne ce qu’elle est maintenant, à l’époque où nos journaux ( et nous aussi ) nous nous réjouissions de ce qu’on appelait le Printemps Arabe.

Il a été torturé, longuement emprisonné, mis au fer. Il se considère comme chanceux, puisque un jour on ne l’a pas fait disparaitre. On l’a mis dehors.

Il a fait profil bas, à Damas, ou vivait sa famille. Mais il a été plus tard enrôlé dans l'armée, et à déserté . Arrivé en Grèce après un voyage de style hollywood à travers toutes les zones de guerre. Nous avons besoin de lui ici.

Un dernier mot à tous nos si incroyablement généreux donateurs : sans vous , rien n’est possible.

Et je ne sais pas comment exprimer en leur nom la gratitude de ceux que nous avons pu si modestement aider.


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